CRITIQUES DE LIVRES

EVEREST 1938

 

 

H. W. TILMAN.

Arthaud éditeur

(Revue " La Montagne " - No 358, 1951)

 

Tilman commence son récit en nous assurant qu'il ne présente guère d'intérêt : cette tentative avortée est banale, pas de morts, pas d'exploits, une médiocre aventure qui vaut trois lignes. Machinalement on soupèse le livre : bon poids, 258 pages. Un sourire avant de poursuivre : Tilman et Shipton ont tout de même atteint 8.400 mètres, ils ont enfoncé dans la neige, plié sous le vent, gémi de fatigue. Après le sourire, la grimace, page 2 ; Tilman sera bien obligé de décliner le mot humain, inhumain, surhumain.

Mais foin des conventions ! A la page 1 répond tout le livre. La boutade succède au lazzi, l'ironie à la flèche empoisonnée. A 8.400 mètres, il trouve la force de plaisanter sa faiblesse, aux derniers chapitres, son courage d'en avoir tant écrit. Il fait feu de tout bois, un bon mot lui donne une page, la moindre chose un bon mot. Ses compagnons, les sherpas, la neige, le Tibet, lui-même, tout est passé au crible de son sourire en coin, avec des détails d'entomologiste pour le savant traditionnel des expéditions anglaises.

L'ensemble est suffisamment bien écrit, et traduit dans une langue qui on restitue tout le sel, pour que la lecture procure un grand agrément aux alpinistes qui connaissent d'expérience toutes les petites défaillances, tous les incidents, tous les personnages auxquels Tilman fait un sort.

Le ton est si peu dans la tradition des grands récits himalayens qu'on est tenté d'y voir l'essentiel du livre. Mais l'aventure en soi nous est bien entendue contée dans tous ses détails et si les péripéties de l'expédition, effectivement peu spectaculaires, justifient cette forme inattendue, elles ont l'avantage de nous rendre plus familière la vie quotidienne dans l'Himalaya. .

Gérard HERZOG.