Tout le monde en France connait Pierre Mazeaud : il a été le premier Français au sommet de l'Everest (en compagnie de Nicolas Jeager et de Jean Afanassief - qui sont en fait arrivés 25 minutes avant lui, le 15 Octobre 1978 : ne les oublions pas !). Et la tragédie du Frêney est restée dans toutes les mémoires.

Tout le monde connait également ses "coups de gueule" à l'Assemblée Nationale : les médias leur ont fait une large publicité.

Mais tout le monde ne connait sans doute pas l'histoire complète de cet homme extraordinaire, d'une énergie exceptionnelle, qui a été aussi actif en politique qu'en montagne, ce qui n'est pas peu dire... Ce livre comble cette lacune.

Si les exploits en alpinisme de Pierre Mazeaud ont été largement racontés, dans la presse et dans ses livres ("Montagne pour un homme nu" - Arthaud 1971, "Everest 78" - Denoël 1978, "Nanga Parbat, montagne cruelle" - Denoël 1982, "Des cailloux et des mouches ou échec à l'Himalaya" - Olivier Orban 1985 - pour ne citer que les livres dont il est l'auteur), il faut consulter une documentation spécialisée - et souvent austère - pour appréhender ses activités dans le domaine politique.

Ce fut la tâche d'Olivier Guillaumont, étudiant en droit et en sciences politiques - en plus d'une passion pour la montagne - qui a choisi Pierre Mazeaud comme sujet de thèse, dont ce livre est en quelque sorte une "vulgarisation". Cet ouvrage est donc remarquablement documenté, l'oeuvre d'un professionnel qui a consacré tout le temps nécessaire à la recherches des sources et références.

Pierre Mazeaud est né dans une famille où l'on est juriste de père en fils, depuis la Révolution : son avenir professionnel était donc tracé. Habitant Grenoble, c'est tout naturellement qu'il apprend à skier et qu'il acquiert le goût de la randonnée, puis de l'alpinisme. Secrétaire Général de la Fédération des Jeunes Anarchistes (!!), il fait la connaissance de Jean-Paul Sartre et d'Albert Camus, et surtout il acquiert une première expérience politique. Professeur de droit privé, il se retrouve un peu par hasard donnant des cours particuliers à François, puis à Jean-Louis Debré, alors que leur père Michel était Premier Ministre. Celui-ci le recruta comme chargé de mission dans son cabinet : ce fut le début de la carrière politique. Député, puis Secrétaire d'Etat aux Sports, maire de Saint-Julien-en-Genevois, puis finalement Président du Conseil Constitutionnel, il continue à grimper en montagne, ce qui l'oblige souvent à réaliser de véritables exploits d'endurance...

"Mazeaud aime à rappeler que le gaullisme lui a enseigné le comportement, l'attitude politique. Il y a retrouvé les valeurs qui étaient déjà les siennes en montagne : l'indépendance, la vérité, la fidélité, la ténacité" (p. 238). Grande gueule, d'une énergie inépuisable, prêt à défendre ses principes contre tous, d'une honnêteté intransigeante, très attachant, Mazeaud sait aussi être un ami indéfectible pour ceux qu'il a choisis, en politique comme en montagne.

Olivier Guillaumont se tire fort bien de cette tâche complexe : écrire la biographie d'un homme aussi actif et révéler aux alpinistes comme aux politiques l'autre face de sa personnalité. Le style est dense, les phrases courtes : une lecture obligatoire pour les hommes politiques comme pour les alpinistes, qui, les uns comme les autres, pourraient s'en inspirer...

Daniel MASSE .