CRITIQUES DE LIVRES

LA MONTAGNE

 

 

par Maurice Herzog.

Larousse, Paris.

(Revue " La Montagne" - No 7, 1956)

 

Pour composer une encyclopédie, les techniciens et les savants doivent se contraindre à arrêter le cours du temps, à confronter leurs connaissances et à faire abstraction du futur en gestation. Il faut toute la volonté d'un éditeur et d'un directeur de publication pour obtenir d'eux ce sacrifice : c'est ce résultat que la librairie Larousse et Maurice Herzog ont atteint pour nous présenter leur volume consacré à la montagne.

Tous ensemble, les auteurs ont donc fait comme si la conquête de la montagne était terminée, se réservant peut-être de penser dans leur for intérieur, comme Jean Franco, que "la montagne, elle, poursuit la conquête de l'homme" !

Et le lecteur n'a plus qu'à se plonger avec une joie sereine dans la lecture de ce magnifique volume, qui fait le point pour notre génération de toutes les connaissances acquises sur la montagne et de toutes les oeuvres humaines inspirées ou imposées par elle, avec le concours des auteurs les plus qualifiés.

Samivel aborde le thème des mythes et des légendes avec cette érudition agrémentée de fantaisie qui nous a déjà valu tant de contes savoureux.

Près de la moitié de l'ouvrage est consacrée à la géographie des montagnes. Henry de Ségogne et Jean Couzy ont rassemblé une documentation inégalée sur toutes les montagnes du globe, illustrée de nombreuses photographies et de cartes. Seul le continent antarctique est oublié La géographie générale est traitée par le Professeur Veyret, dont on admirera la maîtrise en matière d'économie alpine et de sociologie montagnarde. Louis Neltner a accompli un exploit en mettant la tectonique à la portée du profane en quelques pages d'une clarté brillante.

Le professeur Grandpierre présente les connaissances les plus récentes en matière de physiologie en altitude, domaine où l'aviation a apporté un appoint essentiel à l'expérience des montagnards.

L'histoire et la technique de l'alpinisme étaient des sujets rebattus, mais Jean Franco a su les reprendre avec la clarté et la simplicité souriante de son "Makalu".

Enfin, Jean Escarra et Bertrand Kempf ont brossé le tableau de toutes les oeuvres d'art que la montagne a inspirées, tandis que Jean-Jacques Languepin traite avec compétence de la photographie et des films de montagne. Le bilan de la littérature alpine de Bertrand Kempf mérite une mention spéciale pour sa finesse d'analyse et sa pondération.

Certes l'ouvrage comporte quelques lacunes (géodésie, toponymie), et il fait peut-être la part un peu trop belle aux montagnes françaises ou aux montagnes lointaines conquises par des Français, mais tel qu'il est, ce livre magnifiquement illustré satisfera les plus difficiles et enchantera le grand public. On reste confondu devant la tâche accomplie par les auteurs cités et une foule d'anonymes sous la direction de Maurice Herzog qui présente lui-même l'ouvrage dans une introduction inspirée par un amour sincère de la montagne sous tous ses visages.., et pas seulement des "plus de 8000".

Si les photographies en couleur laissent parfois à désirer - trop de bleu - ce livre, qui fait honneur à Larousse, mérite de prendre place dans la bibliothèque de tout homme curieux de la nature et de tout alpiniste.

Jacques TESSIER DU CROS.