CRITIQUES DE LIVRES

PREMIERS VOYAGES AU MONT BLANC

 

 

textes choisis et présentés par Daniel May - gravures réunies par André Wahl.

Club des Libraires de France, Paris.

(Revue " La Montagne" - No 10, 1956)

 

Le volume vient d'être mis entre vos mains, vous le feuilletez, et tout concourt à vous charmer : couverture, typographie, un très beau choix de gravures du XVIIIème siècle, le fac-similé d'une carte ancienne de la région du Mont Blanc. Alors, et non sans un peu d'appréhension - une déception, n'est-ce pas, est si vite arrivée - vous commencez à lire. Inquiétudes chimériques : dès les premières lignes vous voilà conquis, jusqu'à la dernière ligne vous serez dans l'enchantement.

L'ouvrage est un recueil de morceaux choisis relatifs à la découverte alpine du Mont Blanc. Explorations et reconnaissances, tentatives, premières ascensions, tout cela nous est conté par les acteurs mêmes de la grande aventure : Saussure et Bourrit principalement, mais aussi Paccard, les guides Pierre et Jacques Balmat, J.-A. Deluc enfin pour la conquête du Buet.

L'auteur s'efface donc derrière ses personnages, sa participation se réduisant à un avant-propos d'une trentaine de pages, à de petits textes de présentation et de liaison, à des notes explicatives. Rôle bien modeste en apparence, mais qui ne reflète guère la réalité. Le mérite de Daniel May est avant tout d'avoir prospecté pour notre compte une documentation qui était pratiquement hors de notre atteinte et d'en avoir amalgamé avec beaucoup d'habileté les passages les plus significatifs et les plus savoureux. Ses efforts ont porté leur fruit : il a réussi à "fabriquer" une oeuvre homogène avec des matériaux disparates et à reconstituer un récit parfaitement suivi de la conquête du mont Blanc. Nous savions que l'histoire en était intéressante ; ainsi présentée, elle devient captivante.

Une seule critique : tout le monde ne connaît pas en détail la topographie du Mont Blanc, et le lecteur prend beaucoup moins d'intérêt à des opérations qu'il ne peut pas suivre mentalement sur le terrain. A défaut de photographies qui nuiraient au caractère archaïque du livre, quelques éléments de cartes, des croquis annotés, permettraient au profane de situer dans leur cadre les multiples phases de l'action. Il y a là une erreur légère qu'une édition ultérieure corrigera certainement sans la moindre difficulté.

Diverses réflexions que ce livre inspire à l'alpiniste d'aujourd'hui font l'objet d'une étude qu'on trouvera par ailleurs dans ce même numéro de la revue. .

Étienne BRUHL.