CRITIQUES DE LIVRES

LES ALPES

par Shiro SHIRAHATA

Préface de Gaston Rébuffat

(Ed. Denoël, Paris. 1979)

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 120, 1980)

 

Second livre de l'auteur, très nettement supérieur au précédent qui concernait l'Himalaya.

Le titre est à mon avis impropre, puisque seuls les sommets alpins sont ici représentés.

En 104 photographies, tous les "monts sublimes" européens sont là, ou presque.

Enfin un livre de montagne qui ne soit pas un topo d'alpinisme ou un livre sur la faune-flore.

Enfin rien que du rocher, de la glace, des nuées, du froid, de la neige, du vent, des ombres, du soleil, de l'azur, des verticales qui n'en finissent plus de s'élever et beaucoup de solitude.

Enfin la montagne seule ; où l'homme (son amant) est absent, et c'est tant mieux, car l'homme est obscène. Surtout en montagne.

Aucune marge, aucun titre ne vient altérer le panorama, l'enchaînement est si fort, l'illusion telle que l'on se prend à imaginer une course intégrale de rêve (pour l'an 3000 ?... ).

Un livre qui tend à prouver qu'il n'y a pas de mélange possible : ou l'on grimpe ou l'on photographie. II faut choisir, Shirahata a choisi.

A la fin du volume, un rappel des photographies est accompagné d'un texte de légende nous donnant un aperçu sur la vie intime de chacune.

Car c'est un livre de nus qu'il nous est donné de voir. La montagne est nue, et c'est un voyeur (donner à voir) de grand talent qui nous la dévoile pour notre plus profond plaisir.

Et comme toujours lorsqu'il s'agit d'amour, un regret : curieusement, si l'on regarde une carte alpine d'Europe, Shirahata tire un trait horizontal puisque son parcours nous entraîne du Grand Paradis à l'ouest, jusqu'aux Tre Cime di Lavaredo, là-bas, tout là-bas à l'est. Aucune vision vers les Alpes du sud ; ni la Vanoise, ni le massif des Ecrins, ni le Viso pour nous attirer vers la mer.

Avec cette ceuvre (un chef d'oeuvre ?...) Shirahata rejoint les plus grands maîtres de la photographie de haute montagne ; les frères Bisson, Vittorio Sella, Helbronner, Ansel Adams. S'il existe des guides de haute montagne comme Gaston Rébuffat qui a préfacé l'ouvrage, mais qui ne l'a pas regardé, il existe, sans nul doute, des hauts photographes de montagne comme Shiro Shirahata.

Philippe ALLEMAND.

 

 

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