CRITIQUES DE LIVRES

ALPINISME SOVIÉTIQUE

 

 

par I. A. Tcherepov.

Amiot Dumont, Paris

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 15, 1957)

Curieux ouvrage qui nous ramène plus de cent ans en arrière, à l'époque où, dans nos Alpes, l'exploration avait le pas sur le sport et où les grimpeurs cherchaient à leurs exploits des prétextes scientifiques; par certains côtés aussi, le style lui même rappelle parfois celui des ancêtres qui avaient le " surplomb facile ".

Avec l'auteur, nous suivons ainsi des expéditions géographiques au Tien Chan, à l'occasion desquelles des alpinistes ont réussi à se faire donner mission de gravir certains sommets. L'ouvrage n'est pas dépourvu d'intérêt, encore que celui ci aurait pu être considérablement augmenté par des cartes plus complètes et surtout des photos plus nombreuses avec sous titres détaillés. Nous faisons ainsi connaissance avec un grand massif quasi inconnu auparavant, et très élevé (jusqu'à 7000 m et plus). Plus que par la raideur de leurs pentes, les faces nord y sont redoutables par le froid, la poudreuse profonde et les avalanches..., en bref, de vraies conditions hivernales.

Le livre, par ailleurs, est bien dans le style que l'on pouvait attendre, avec justification des ascensions et fréquentes références aux mérites soviétiques ou aux directives officielles. Trop rarement, le naturel apparaît, tel cet aveu furtivement glissé : " Le Pic Constitution de Staline, nous l'avions surnommé entre nous la belle Kiouliou ", mais cela ne dure guère et la conquête suivante est baptisée : " Pic du vingtième anniversaire des jeunesses Communistes Soviétiques ", tandis que le portrait de Staline est déposé dans le kern sommital. Mais pouvait on espérer autre chose quand l'on apprend que jusque sur le glacier, au dessus de 4000 m, le petit groupe d'explorateurs s'encombrait d'un commissaire politique !...

C'est en ce sens, sans doute, mais dans ce sens seulement. que l'ouvrage correspond à son titre : " Alpinisme Soviétique ".
Mais faut il s'étonner de la valeur très approximative de ce titre lorsque l'on peut, à bon droit, se demander si le responsable de l'édition a pris la peine de lire consciencieusement l'ouvrage : dans le résumé porté au dos de la couverture et dans l'analyse présentée par l'éditeur, il est fait état, en effet, de la conquête (en 1949 dit l'un, en 1947 dit l'autre) du Pic de la Victoire (7439 m), alors que, très objectivement, Tcherepov raconte tout au contraire comment l'expédition Kolokolnikov dut battre en retraite devant les avalanches...

Louis Neltner.