CRITIQUES DE LIVRES

DEUX POUR UN 8000

 

 

 

Par Maurice Barrard (Ed. S.I.P.E., Paris. 1981).

(Revue " La Montagne et Alpinisme " - No 1, 1982)

 

Le 15 juillet 1980, Maurice Barrard et Georges Narbaud parviennent au sommet du Hidden Peak au terme d'une aventure particulièrement audacieuse, l'une des plus belles entreprises jamais réalisées en Himalaya. En utilisant des skis de fond pour progresser sur le plateau sommital, ils font preuve d'une originalité qui va se révéler payante. Décidément l'ère des ex-péditions lourdes, des organisations pe-santes semble bien révolue.

Mais voilà qu'au retour il est décidé d'écrire un livre: car il faut publier avant que l'événement ne disparaisse, impitoya-blement recouvert par le suivant. Entre deux expéditions une course contre la montre s'engage. Ouf ! elle est gagnée: un beau jour Deux pour un 8 000 devient réalité. Un récit, des annexes, quelques photos et croquis. Et qu'apprend-t-on?

La narration se promène tranquillement au bord des pages, sans à-coup si ce n'est quelques têtes de chapître dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne sont pas d'un graphisme particulièrement discret.

Après quelques allusions sur " enfance et adolescence ", la rencontre des deux amis et les premières expériences en terre lointaine, l'histoire parvient sans difficulté, sans tension particulière, à proximité du Hidden Peak. Maurice Barrard relate suc-cinctement quelques-unes des précéden-tes expéditions en cette région de l'Hima-laya: K 2, Broad Peak et Hidden Peak. Ces propos débordent de bienveillance à l'égard de tous: sincérité ou désir de mé-nager les susceptibilités?

Sans perdre de temps en considéra-tions plus personnelles car le chemin jusqu'au sommet est encore long, on aborde les préparatifs - inévitables, com-plexes et décourageants - de l'expédi-tion. Enfin on débarque à Rawalpindi où la chaleur est suffocante, les démarches di-verses et " labyrinthiques ", l'attente déprimante. Après une marche d'approche bourrée de petits incidents - heureuse-ment sans gravité ! - c'est le camp de base. L'ascension est rapidement enta-mée. Au terme de nombreuses allées et venues, de périodes de mauvais temps et de nombreuses péripéties - heureuse-ment sans gravité ! - le sommet est at-teint. Fin...

Le récit épique est passé de mode. Fort bien ! Mais à trop vouloir faire de l'objectif, on tombe dans le compte rendu sans sa-veur et sans rythme: l'aventure a eu lieu mais le récit, lui, vit petitement. Au travers de son livre, l'auteur ne se révèle guère, se réfugie dans une stricte neutralité. Où sont (pourquoi pas!) l'imaginaire, le délirant, la fantaisie, les contradictions, l'excès des propos. Il est dommage qu'après une telle expérience, on ne connaisse rien de plus essentiel sur les deux alpinistes que leur poids de forme, leur entrainement physique, leur situation familiale et prfessionnelle.

Bien entendu ce livre s'inscrit très cor-rectement dans ce courant dit de " l'aven-ture vécue". Les photos sont intéressan-tes et bien reproduites, les annexes bien détaillées. On peut s'étonner de voir deux fois - en tète et en fin d'ouvrage - la même photo avec le tracé de l'itinéraire. Ne serait-ce pas: du rêve à la réalité ?

Pierre BEGHIN