CRITIQUES DE LIVRES

CONTES DES BRILLANTES MONTAGNES AVANT LA NUIT

par SAMIVEL.

(Ed. Arthaud, Parle. 1980)

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 122, 1980)

 

Derrière un titre de cinéma (comment ne pas songer aux Contes de la lune vague après la pluie, de Mizogushi ?), que peut-il bien se cacher ? Coucou : c'est Samivel. De quoi mettre d'accord enthousiastes et grincheux, si la denrée existe.

Samivel est resté Samivel. II serait incongru à son propos de rappeler ce qu'est un artiste, au sens classique du terme, et pourquoi c'est précisément dans l'art du court métrage qu'excelle le très subtil auteur des Contes à Pic. Ils sont cette fois au nombre de 9 (nombre magique !), que rien n'assemble en apparence, de la chinoiserie de "Peinture d'automne" à la fantasmagorie du "Trésor des Cathares", rien d'autre peut-être que le désir de faire prendre l'air à des textes sortis au gré de la fantaisie ou de l'inspiration, et qu'il aurait été dommage de laisser dormir au fond de quelque tiroir.

 

On y retrouvera donc le miniaturiste, celui qui excelle à travailler le trait et le relief, fignoleur incorrigible, brocanteur du mot, puriste ou maniéré, suivant l'humeur. Et l'annaliste, dont on sait déjà la prédilection pour des passés bien définis (nostalgie sans doute, certitude peut-être de l'exemplarité des temps révolus, constats à coup sûr du désert poétique du monde "moderne et de l'imposture du "progrès"), peuplés de petits êtres humbles, sensibles, chaleureux, frottés presque toujours à la bêtise bouffie des forts et des grands (optimisme samivélien, qui fait quand même triompher la bonne cause, par les voies de la sagesse s'il se peut, ou à défaut par quelque tour de magie), et pour des lieux également précis dans leur déroutante localisation (silhouettes descendues d'estampes japonaises, sites helvétiques, ombres prélevées aux rivages de Tré-la-Tête, copeaux de lumière à l'évidence empruntés au Gelas ou au Ponset). Montagne synthétique, jamais vraiment terrain d'action, plutôt lieu d'expérimentation morale ou sociale, où l'emportent tantôt les hommes, s'ils sont prophètes, tantôt les forces mystérieuses, si la sagesse est en défaut.

Décidément, le discours samivélien reste dans l'ordre du surnaturel. C'est une obsession qui peut lasser, si la qualité du récit tombe en dessous du seuil habituel de la perfection ("Le refuge Punkett"), ou si l'intrigue paraît trop "téléphonée" pour qu'on puisse encore croire pour de bon au Père Noël ("Le miracle de Hyacinthe Coutaz"). Peu importe d'ailleurs, puisque Samivel est riche d'assez de talent pour mettre en déroute le détracteur qu'à l'instant j'ai essayé d'être ! J'ai cru, à la cuirasse, déceler un défaut; mais voici la réplique, après quoi il n'y aura plus qu'à se taire, confondu, subjugué, littéralement enchanté (ô Merlin !), ce "Musicien d'Oz" qui justifie à lui seul qu'on se jette sur ce livre. Et il n'est pas seul. Samivel, une fois de plus; a gagné son pari. Par Dieu, il y a du "Chort" dans cet homme-là !

Pierre CHAPOUTOT.

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