CRITIQUES DE LIVRES

LE DIABLE DES DOLOMITES

 

 

par Tita Piaz, traduction de Felix Germain.

Arthaud, Paris, Grenoble.

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 48, Juin 1964)

Pas tout à fait un diable, encore moins un ange, tout simplement un homme passionné, doué d'une volonté indomptable, de moyens physiques exceptionnels et d'un orgueil trop simple et naturel pour être luciférien, tel dans ces pages nous apparaît Tita Piaz, légendaire figure d'un passé si proche et pourtant définitivement révolu.

Dans son livre, la montagne, toujours présente comme toile de fond, n'est que prétexte à présenter l'homme qu'anecdotes et récits souvent amusants replacent dans son cadre naturel : le pays des Dolomites avant l'avènement du grand tourisme comme de l'alpinisme mécanisé et étiqueté.

Dans ces souvenirs, nous voyous défiler, à côté du grand homme, une étonnante galerie de portraits, allant de l'alpiniste encyclopédique se croyant capable de grimper, à la timide paysanne Térésa qui donna son nom à un col, et au hasard des circonstances, nous apercevons, souligné, un aspect particulier de la complexe personnalité de l'auteur incroyant et idéaliste, généreux et grippe-sou, altruiste mais pas toujours très scrupuleux, orgueilleux mais sachant reconnaître les vertus des autres et rendre un juste hommage, mais, par dessus tout, lui homme exalté, sincère et non conformiste.

Dans ce livre très divers, deux parties m'ont particulièrement frappé : l'histoire d'abord des débuts difficiles, hantés par les difficultés matérielles qui ne devaient évidemment pas manquer à un homme qui, né pauvre, prétendait vivre libre à sa fantaisie au milieu d'une société solidement hiérarchisée.

Ensuite, la célèbre controverse avec Preuss au sujet des moyens artificiels, controverse qui reste d'actualité et durera sans doute tant que les hommes se diviseront en idéalistes et réalistes..., mais sans doute de nos jours, l'idéaliste Piaz tonnerait avec sa véhémence habituelle s'il voyait ce que font maintenant certains de ses successeurs... et, ce disant, je ne pense pas seulement à la Tour Eiffel...

Louis NELTNER.


(Éd. Slatkine : Genève. 1977)

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 2, 1978)

Nombreux sont les récits de montagne délaissés ou oubliés des nouvelles générations. La réédition, sous la direction de Yves Ballu, des grandes oeuvres de la littérature alpine permettra de ramener à la surface bon nombre de récits d'une valeur incontestable.

Le diable des Dolomites de Tita Piaz, préfacé par Georges Sonnier, est certainement une oeuvre incomparable. Ce livre est à la fois une caricature et une fresque; c'est du moins ce qui reste quand, les détails oubliés, il n'en reste que l'impression.

Une fresque parce que l'histoire de Tita Piaz nous replonge dans l'atmosphère de l'époque héroïque de la conquête des Dolomites. L'alpinisme y traçait sa voie pendant que, dans les Alpes occidentales, une autre histoire se tramait. Les Dolomites voyaient ses propres grimpeurs s'affranchir progressivement des "impossibles" parois. Par ses entreprises audacieuses Tita Piaz fut un innovateur.

Une caricature est bien ce qu'on retient ensuite du récit.

Les exploits de Piaz sont racontés avec une telle verve et avec un tel humour qu'on croirait avoir affaire à une série de bandes dessinées d'un comique parfois raffiné.
Plus qu'apprendre, on se délecte à la lecture de ce livre.

On pourrait seulement lui reprocher sa fin. La rancoeur de Tita Piaz a ses raisons et il ne vient pas à l'esprit de les discuter. Il n'en demeure pas moins que le charme est rompu mais n'est ce pas ainsi quand on revient sur terre...

M. S.