CRITIQUES DE LIVRES

EIGER

par Georges Sonnier.

Ed. Albin Michel, Paris.

(Revue " Montagne et Alpinisme" - N°3, 1977)

 

 

Sur la forme : rien à dire. C'est du Sonnier et le prosélytisme galopant ne me rebute pas personnellement. Cette forme d'écriture le conduit cependant à adopter des formules qui peuvent déplaire : "La lutte de l'homme contre un adversaire aveugle..." "...Corps à corps avec une matière minérale..." Il s'agit du début à la fin du livre d'un combat de deux hommes contre la paroi la plus meurtrière. Or, sans diminuer les dangers objectifs qu'on peut rencontrer dans une telle ascension, on a pu lire (récit de Seigneur, cf. La Montagne et Alpinisme, octobre 1971) des relations de l'ascension de l'Eiger autrement plus chaleureuses.

L'auteur parvient à créer un suspens auquel il n'est pas impossible de se laisser prendre. Mais tout de même !... Ce sont tout d'abord des chutes de pierres incessantes : les alpinistes n'y échappent que par un miracle permanent. Puis un des protagonistes au départ du bivouac souffre d'un malaise qui le prive de son sens de l'équilibre... Après quoi survient l'orage, et la neige qui vient de recouvrir toute la face se met à glisser en silencieuses coulées de "mort blanche" au moment précis où les alpinistes remontent l'Araignée. Enfin, il semble que la face ne soit constituée que d'horribles surplombs. En les dénombrant on doit obtenir une avancée étonnante quand on atteint le haut de la face ! Bref, cette ascension est une descente aux enfers.

 

Qu'a voulu faire G. Sonnier en écrivant ce livre ? Candidat à l'Eiger n'ouvre surtout pas cet ouvrage : c'est qu'il ferait vaciller le moral le plus solide. On se demande même si le livre n'est pas destiné à éloigner le néophyte de la montagne. C'est une façon de résoudre le problème de la politique des refuges.

L'auteur nous livre sa conception du récit de montagne en appendice, je ne l'ai guère retrouvée dans son roman. Si comme l'a voulu Sonnier, il ne s'agit pas d'une description monotone de gestes, l'énumération des dangers auxquels échappent les alpinistes masque presque complètement la vision du narrateur. Le livre refermé, on n'en retient qu'un scénario. Après Mort d'un guide verra-t-on Eiger ? On peut le craindre.

Guy LUCAZEAU.

Retour à la Page "Critiques"