CRITIQUES DE LIVRES

LA GRÂCE DE L'ESCALADE
Petites prises de position sur la verticalité et l'élévation de l'homme

Par Alexis LOIREAU

( Transboréal 2013 )

Ce livre est à lire en parallèle avec "L'euphorie des Cimes" (Anne-Laure Boch - Transboréal 2014), qui analyse les motivations de l'alpiniste "amateur", alors que Alexis Loireau s'intéresse à celui qui fait de l'escalade en falaise un art de vivre.

C'est Patrick Edlinger, révélé par les films de Jean-Paul Janssen, "Opéra vertical" et "La vie au bout des doigts", qui a le premier fait prendre conscience que l'escalade peut être un art. A l'époque, en effet, l'escalade sur blocs ou en falaise était considérée comme un simple moyen de s'entrainer, avant d'aller se mesurer à des challenges plus sérieux, en montagne.

Depuis, des murs d'escalade ont été conçus, des falaises équipées, des topos rédigés : un nouveau terrain de jeux a été inventé, une fin en soi, et non plus seulement un stade pour l'entrainement.


La pratique de l'escalade en terrain protégé permet d'abord au grimpeur de se familiariser avec le vide, de développer ses muscles, et d'apprendre les techniques. Mais, peu à peu, il découvre ce qu'il ne soupçonnait pas : la beauté des sites où se cachent les falaises, d'abord, puis le grain de la roche, l'efficacité des gestes, et finalement leur beauté dans leur simplicité. "Les grimpeurs modernes ne vont nulle part, c'est dans la manière d'arriver en haut que se trouve la clé" (p 15).

C'est ainsi que, lorsque l'on demande à Alexis Loireau ce qu'il fait, il répond simplement "Je grimpe" (p 14). Il parle du plaisir sensuel intense qu'il ressent en caressant le rocher, toujours différent. "L'adepte le caresse parfois avec le même plaisir que s'il s'agissait de l'être aimé, ses doigts l'effleurent et, quand le désir devient irrésistible, il commence enfin à grimper" (p 31). Puis finalement, "l'immense plaisir ressenti vient de l'impression de glisser sur la roche en la caressant, de la sensation de n'avoir jamais été aussi proche de la nature puisqu'on a appris à en parler la langue" (p 37).

Et la recherche de l'esthétisme se retrouve maintenant chez les alpinistes: "ils grimpent rapidement vers le sommet avec beaucoup plus d'élégance que leurs prédecesseurs" (p 47).

Je ferai cependant à Alexis Loiseau la même remarque qu'à Anne-Laure Boch : bien que cela tranparaisse à chaque page, il ne parle pas du plaisir intellectuel intense qu'éprouve le grimpeur quand il résoud un problème. Il est lui-même ingénieur, après avoir fréquenté l'Ecole Polytechnique (encore un !) : on n'arrive pas à ce niveau sans avoir un goût prononcé pour la résolution de problèmes. Inventer la gestuelle qui permettra de franchir le plus efficacement possible un passage d'escalade procure un plaisir exactement comparable à celui que l'on éprouve en résolvant de façon élégante un problème mathématique.


Daniel MASSE .

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