CRITIQUES DE LIVRES

L'EUPHORIE DES CIMES
Petites considérations sur la montagne et le dépassement de soi

Par Anne-Laure BOCH

( Transboréal 2014 )

Anne-Laure Boch s'est posé une question à laquelle doit répondre un jour ou l'autre tout alpiniste amateur : Pourquoi ?

Le professionnel, qu'il soit guide ou accompagnateur, a une réponse toute trouvée : pour gagner sa vie. Cette réponse suffit à la plupart des gens. Celui qui recherche les records, les plus hauts sommets, les voies les plus difficiles, les "premières", a une autre motivation : il veut "laisser sa trace", il veut que son nom reste dans les mémoires, dans les livres et dans les guides d'alpinisme. Mais c'est un autre débat, non abordé ici.

L'auteur essaie ici de répondre à la question : pourquoi diable l'amateur, qui n'a aucun objectif financier, et dont le nom ne passera certainement pas à la postérité comme étant associé à des ascensions spectaculaires, pourquoi cet amateur accepte-t-il de souffrir, à la montée et à la descente, pourquoi accepte-t-il de risquer l'accident ? Pour la vue ? Ne pourrait-il contempler la même vue en prenant le téléphérique ?


"Une passion, un amour : voilà ce qu'est la montagne pour ceux que l'on gratifie du joli nom d'amateur" (p 19). La typologie des amateurs : "... majoritairement des urbains ayant dépassé la trentaine, bénéficiant d'un bon niveau d'éducation et exerçant un métier à responsabilité..." (p 21).

L'auteur suggère que "le montagnard jouit d'une aura persistante, fondée sur une identité quasi mythique..." (p28). Serait-ce une raison ? Je ne le pense pas, pas plus que l'auteur : les générations actuelles ne savent plus très bien qui étaient Terray, Livanos, Rébuffat... Non : "le rapport à la nature indomptée, rétive à la mise en boite technoscientifique, est au centre de l'alpinisme" (p 29). "C'est en se confrontant à la nature que l'alpiniste apprend à connaitre sa propre nature" (p 29).

Je laisse le lecteur découvrir par lui-même les conclusions fort justes de l'auteur, qui aide à répondre à cette question fondamentale.

Il est cependant une raison dont l'auteur n'a pas souligné l'importance, à mon avis : pour faire de l'alpinisme en amateur, il faut aimer résoudre des problèmes. Et les problèmes sont nombreux : matériel à emporter, choix du sommet, choix de la voie, trouver l'itinéraire, décider des actions en fonction des conditions météo... Une preuve de cette motivation est dans le nombre étonnant d'alpinistes de haut niveau ayant fait des études scientifiques très poussées (Polytechnique, Normale Sup, Centrale, Ecoles des Mines, etc...) : les qualités nécessaires pour réussir ces études se retrouvent dans les motivations de beaucoup d'alpinistes "amateurs"...

Finalement, pourquoi "faire" de l'alpinisme ? Celui qui aime ne se pose guère la question : il aime, c'est tout. Et ne peut s'en passer...


Daniel MASSE .

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