CRITIQUES DE LIVRES

EVEREST : THE WEST RIDGE

par Thomas F. Hornbein.

Sierra Club, San Francisco.

(Revue " Montagne et Alpinisme" - N° 61, 1967)

 

Le seul aspect de la photographie reproduite sur la couverture fait pressentir l'exceptionnelle qualité de l'édition. En Europe, on ne peut encore atteindre ce niveau dans la typographie et surtout dans la qualité de la reproduction des photographies en couleurs. Techniquement, l'oeuvre est au dessus de toute critique et si toutes les photographies ne sont pas du même niveau, elles sont si bien reproduites qu'il faut un peu d'attention pour s'apercevoir qu'elles sont un peu inégales.

Mais beaucoup sont géniales. On y sent la volonté d'aller chercher l'inspiration dans certaines écoles de peinture, impressionniste particulièrement. C'est vraiment de l'art photographique.

On sait que les Américains ont les premiers traversé un grand sommet himalayen (voir La Montagne, no 47 avril 1964). Tom Hornbein et Willy Unsoeld réalisèrent en même temps la première ascension de l'arête ouest de l'Everest. Ce faisant, ils n'ont pas franchi de passages exceptionnellement difficiles. On a certes fait beaucoup plus dur dans l'Himalaya, et même antérieurement à l'expédition américaine, mais cette victoire est un chef d'oeuvre de logistique, produit naturel de l'extraordinaire capacité d'organisation dont font preuve les Américains dans tous les domaines.

 
 

A cette parfaite préparation, s'est ajoutée une certaine dose de chance car les quatre grimpeurs qui se retrouvèrent à la descente du sommet furent obligés de bivouaquer sans tente ni protection à près de 8 500 mètres. Mais, comme l'a dit Norman Dyhrenfurth, le chef de l'expédition : " les dieux souriaient".

Le récit de l'expédition est présenté d'une manière originale. Il fait alterner le récit avec des enregistrements au magnétophone des conversations par radio entre camp de base et grimpeurs, des citations d'écrivains connus et des textes d'auteurs classiques. Le résultat est bon, rompt la monotonie d'un récit d'expédition, et, bien que le choix des citations soit assez arbitraire, ne peut laisser indifférent.

Avant de triompher, l'expédition avait été cruellement éprouvée par la mort de Jake Breitenbach, tué et profondément enseveli par une chute de séracs sur le glacier de Khumbu. Ce deuil, le choc moral des camarades, la peur dominée par la volonté de continuer, sont évoqués simplement, d'une manière directement émouvante.

On peut en conclure que, bien que l'Everest ne soit pas un sommet techniquement difficile, son ascension restera toujours une entreprise hasardeuse, le franchissement des séracs inférieurs n'ayant guère d'équivalent, même dans l'Himalaya.

Une courte biographie et un beau portrait du disparu terminent le livre.

Espérons que les difficultés politiques cesseront bientôt et permettront de reprendre les grandes expéditions himalayennes. En traversant l'Everest, les Américains ont montré la voie, et la conquête des grandes arêtes des "8 000" peut donner du travail à des générations d'alpinistes.

Alain de CHATELLUS.

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