CRITIQUES DE LIVRES

Histoire de I'Everest (1921-1953)

 

 

W-H. Murray.

Fayot, éditeur à Paris.

229 pages de texte. 16 pages d'illustration

(Revue " La Montagne " - No 365, 1954)

 

Encore un livre sur l'Everest ? Mais ne faut-il pas que chaque grand éditeur ait le sien ? Payot a des antécédents et se devait de clore dignement sa série. Et puis ne faut-il pas aussi que chacun des participants, du moins ceux qui savent tenir une plume et qui ont une thèse à défendre, ajoute un toit supplémentaire à la pagode littéraire sous laquelle la montagne elle-même s'efface progressivement ?

Soyons justes, M. W-H. Murray laisse encore sa place à l'Everest. Chef-adjoint de l'expédition de reconnaissance de 1951, il sait à quoi s'en tenir sur les difficultés de l'ascension et sa crainte respectueuse n'est pas feinte.

Il se veut objectif et impartial. Son récit des expéditions par la voie du Nord est agréablement condensé. Les ferments de sa digestion ne dépassent pas le degré de causticité qui convient à un homme bien élevé, et parfois l'émotion perce en dévoilant le réel talent de l'auteur. L'historique de la reconnaissance de 1951 montre le rôle inestimable d'une exploration préalable conduite par des Britanniques. Le récit de l'expédition victorieuse de 1953 est enfin le résumé parfait à l'usage de ceux qui ne pourraient pas arriver au bout de l'ouvrage "officiel".

Comme à regret, l'auteur consacre un chapitre aux deux expéditions suisses de 1952 qui ont "prouvé" l'existence d'une route par le col sud. Entendez par là que pour M. Murray l'apport des Suisses a été satisfaisant sur le plan intellectuel, entre la découverte britannique de 1951 et la conquête britannique de 1953. Mais les enseignements de leurs expéditions sont surtout négatifs : les erreurs d'itinéraire et de tactique ont été accumulées et il suffisait d'éviter ces fautes pour accroître grandement les chances de succès.

M. Murray est un esprit chagrin. Pour lui, le sommet a été atteint mais l'Everest n'est pas conquis. Il partage sans conteste l'opinion de ceux qui déclarent "qu'une ascension réussie avec des ap-pareils à oxygène résout un problème technique de petite mécanique, mais laisse intact le problème essentiel de l'Everest" et il regrette "la splendeur vierge, la gloire intacte, la suprématie invaincue du Mont Everest".

Pour apprécier les connaissances alpines, et linguistiques du traducteur (anonyme) d'Histoire de l'Everest on se reportera avec fruit à "Petite parade pour un grand cirque" de F. Germain (Alpinisme, Noèl 1953).

Jacques TEISSIER du CROS