CRITIQUES DE LIVRES

VAGABOND DU VIDE

 

 

 

par René Ghilini (Éd. Flammarion, Coll. l'Aventure Vécue, Paris. 1952).

(Revue " La Montagne et Alpinisme " - No 4, 1982)

 

Vagabond du vide de René Ghilini est un livre passionnant. Non que la personnalité de l'auteur fascine, mais parce que l'on décou-vre à chaque ligne la participation totale de ce jeune garçon en l'aventure, en ce qui est, dit--il, " inutile "

Il y a des luttes pour tel ou tel sommet des Andes, addition de souffrances, il y a des joies, notamment ces vols extraordinaires en "Cobra", mais, avant tout, l'histoire d'un homme qui a su maîtriser pour sa propre satisfaction le hasard, guide de son existence.

L'enfance de l'auteur, son adolescence entre Savoie et Haute-Savoie, la découverte puis la fascination de la montagne et la recherche dans le vol libre de sensations encore plus fortes, racontées dans un style alerte, clair, enchantent le lecteur. Ghilini s'interdit de sacrifier cependant au seul récit, il vous fait part de ses réflexions personnelles et de la conception qu'il a de la vie, à la fois son scepticisme, quand il juge les hommes, et son optimisme, quand il parle de la nature ou de l'art, vous conduit à le considérer comme un narrateur différent de l'ordinaire. Ghilini vit chaque moment de sa propre existence - il en connaît le prix pour la risquer - que nous finissons par partager aussi bien le long des pentes du Huascaran que lorsqu'il domine avec son aile volante les ruines incas de Machupicchu.

J'ai aimé ce livre parce que nous échappons au récit classique fastidieux, parce que nous sentons au travers de toutes ces lignes l'intelligence ainsi que la simplicité.

Ghilini nous promet un deuxième ouvrage sur son ascension au Dhaulagiri. Un seul espoir : qu'il traduise son émotion avec la mème élégance qui fait des hommes qui en sont les porteurs, des individus hors pair.

Il faut lire Vagabond du vide car on fait corps avec le récit, on aime le vagabond avec lequel on se voit plonger du Huascaran dans le vide, entouré du seul bruissement du "Cobra" dans le monde impénétrable, mais vivant, de l'espace.

Pierre MAZEAUD