CRITIQUES DE LIVRES

DESCRIPTION DES GLACIERES glaciers et amas de glace du Duché de Savoie

 

 

par Marc Théodore Bourrit

(Ed. Slatkine, Genève. 1977).

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 2, 1978)

De tous les personnages impliqués dans l'histoire de la première ascension du Mont Blanc, Marc Théodore Bourrit est sans doute le moins connu. Dédaigné de Dumas qui ne voulait parler que de Balmat, exécuté en quelques lignes par Graham Brown et Gavin de Beer d'après une lettre du petit fils de H. de Saussure, il fait figure de pauvre comparse cherchant par ambition et appât du gain à se glisser dans le sillage des principaux acteurs.

Le mérite principal de la réédition de son récit de voyage, fort bien présenté ici, est de remettre les choses à leur véritable place. Malgré sa médiocrité, Bourrit fut pendant de longues années le chantre du Mont Blanc et reçut de nombreuses visites de personnages célèbres (mais en littérature, il chantait faux). Son enthousiasme pour la montagne est certes sympathique mais comme il arrive souvent, ses qualités physiques et morales trop insuffisantes le contraignent à des vantardises et à d'humiliants échecs. Sa culture scientifique nulle le confine dans des enfantillages affligeants, on chercherait en vain ici un document nouveau sur l'état des glaciers au 18e siècle.
L'attrait de cette réédition est le soin avec lequel on y a restitué la typographie ancienne et la naïveté des récits. Ainsi bien des ouvrages dont l'intérêt était très faible à leur parution acquièrent du charme en leur vieillesse, un peu à la manière d'un meuble du 18e tout à fait banal à son époque et que se disputent maintenant les antiquaires.
Il n'est d'ailleurs pas facile d'écrire un récit attrayant d'une ascension au Brévent. Rares sont les randonneurs qui, de nos jours, seraient capables de mieux faire que Bourrit. Et pourtant, les montagnes sont toujours là identiques dans leur beauté, mais on sait bien que seules les drames arrivent à aimanter l'attention. Le grandiose décourage le narrateur et le peintre.

La déformation des montagnes est un défaut connu des vieilles gravures; elle préfigure les excès des Romantiques qui "confondirent les dimensions du cadre avec la grandeur du spectacle" (Samivel). Bourrit insiste sur les imperfections des autres mais la gravure qui représente la Mer de Glace est dessinée à l'envers et il conseille aux lecteurs de la regarder dans un miroir... L'impeccable travail d'édition, l'excellente présentation de M. Yves Ballu auraient mérité de s'appliquer à un sujet plus intéressant mais on peut espérer que d'autres suivront.

Alain de CHATELLUS.