CRITIQUES DE LIVRES

EN HAUTS LIEUX

par Dougal Haston.

Ed. Flammarion, "coll. l'Aventure vécue ".

(Revue " Montagne et Alpinisme" - N°2, 1977)

 

 

Ce livre a paru sous le titre In High Places en 1972 aux éditions Cassel de Londres. Il s'achève en 1971 par le récit de la lamentable expédition internationale à l'Everest. Dougal Haston est mort au moment où la traduction française de son livre sort en librairie. Mort à Leysin, dans une avalanche... Ce livre, qui est le récit d'une carrière non encore achevée, n'aura donc pas de suite.

En hauts lieux intéressera tous les passionnés de l'alpinisme de haute difficulté. Bien qu'il ait été écrit pour le grand public, je crois que seuls les plus initiés pourront déceler sous ce récit d'apparente immoralité et d'action forcenée, la véritable beauté d'un être dont la voie n'est pas celle du commun. Préparé à toutes les aventures par ses ascensions hivernales en Ecosse, puis dans les Alpes, Dougal Haston avait pris une fois pour toutes la voie de l'extrême. Sa nature avait décidé que, s'il choisissait la montagne comme raison de vivre, ses activités ne pourraient être liées qu'à une évolution historique de l'alpinisme.

 

Avant tout homme d'action, Dougal Haston n'avait aucun sens de l'organisation; il eut la chance de rencontrer des hommes aptes à organiser les expéditions auxquelles il prenait part. Il ne se sentait concerné que par l'ascension, balayant toute entrave à son idée fixe. C'est peut être pour cela que Chris Bonington se plaisait à le définir comme un pré-homme arrivé au stade ultime de son évolution. Mais si c'était le cas, comment expliquer les nombreuses tentatives de justification dont l'auteur parsème son récit ?

Si l'homme m'a subjugué, il n'en est pas de même du livre ; non à cause du fond, mais de la forme. Dougal Haston n'est devenu bon conteur qu'en devenant plus sûr de lui, après sa brillante réussite à la face sud de l'Annapurna. La traduction aussi a ses faiblesses : quand les névés de la face nord de l'Eiger deviennent des glaciers, et quand la combe ouest de l'Everest est baptisée "le Cwn Occidental", le plaisir de la lecture est atténué. Sans doute un peu trop littérale, la traduction se sent tout au long du récit. Les photos sont souvent de qualité médiocre et ne laissent jamais contempler le visage passionné de l'auteur. Une inversion dans le second feuillet de photographies laisse penser que Dougal Haston a utilisé l'oxygène à l'Annapurna, ce qui n'est pas le cas.

Mais si on considère ce livre comme un document relatif à une époque marquante de l'alpinisme, dominée dans les années soixante par l'avènement du style anglo-saxon, je certifie qu'il vaut la peine d'être lu ! Cette époque brillante s'est achevée par la réussite récente de l'ascension de la face sud ouest de l'Everest, dont Dougal Haston fut un des grands artisans. Que nous réservent les dernières années soixante-dix ? J'attends l'Everest 1978 pour voir si la volonté de dépouillement, qui s'affirme à présent, peut être considérée comme la caractéristique de l'histoire du grand alpinisme dans la seconde moitié de cette décade.

Jean BOURGEOIS.

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