CRITIQUES DE LIVRES

MEIJE

 

 

Georges SONNIER.

Collection " Les bibliophiles de la Montagne" - André Wahl, Paris

(Revue " La Montagne " - No 362, 1953)

 

Zénith, de Pierre Dalloz, sans doute le plus bel écrit qu'ait inspiré la montagne, avait inauguré la collection offerte aux lecteurs par la Librairie des Alpes. Celle-ci nous offre un second titre avec Meije, par Georges Sonnier. Cet ouvrage bénéficie des mêmes qualités bibliophiliques que le premier, de quoi nous ne saurions trop féliciter André Wahl, l'éditeur : papier de choix, typographie impeccable, mise en page harmonieuse agrémentée d'un frontispice de Maxime Vibert, gravé sur bois.

La hardiesse et l'habileté des grimpeurs modernes leur valent de si belles promesses quc l'intérêt de celles-ci se suffit à lui-même. Point n'est besoin d'efforts littéraires : les faits parlent par eux-mêmes et la simplicité du récit, la sobriété du style ne font qu'accroitre notre émotion. Du moins, telle est l'opinion des alpinistes. C'est aussi à ces derniers que Georges Sonnier a pensé en écrivant son livre, mais il a souhaité semble-t-il étendre son audience.

Comme Frison-Roche dans Premier de Cordée - et cela ne l'a pas privé d'un succès éclatant - mais par d'autres moyens, Georges Sonnier a entrepris de mettre son talent au service de l'initiation alpine du public littéraire. Il lui a fallu pour ce faire, consentir quelque aliment à l'appétit du sensationnel. Sur ce point, disons-le, le lecteur sera servi. Il ne lui suffira pas de suivre dans une tentative à la face nord de la Meije, supposée toujours vierge, trois alpinistes, la veille encore inconnus l'un de l'autre et de nationalités différentes - circonstances invoquées pour mettre davantage en évidence la solidarité de la cordée. Ils assisteront à la chute mortelle de l'un des alpinistes, au bivouac des rescapés, à la tempête fatale pour l'un d'eux, à l'organisation des secours, au sauvetage du dernier survivant. Bref, c'est un terrible drame alpin qui nous est présenté dans tous ses aspects extérieurs et intérieurs. L'auteur nous fait profiter de sa parfaite connaissance aussi bien de la montagne décrite avec beaucoup de sensibilité, que des montagnards dont il suggère les réactions intimes. Et je dois dire qu'il est rare de trouver une ligne aussi digne de remarque au service d'un récit d'alpinisme.

Ajoutons pour finir que Georges Sonnier professe - on le devine - un sentiment d'admiration pour Saint-Exupéry, lequel sentiment se traduit notamment par le tour de phrase et le choix de locutions familières à l'auteur de Terre des Hommes.

Souhaitons à la collection des "Bibliophiles de la Montagne" le succès qu'elle mérite.

Henry de SÉGOGNE..