CRITIQUES DE LIVRES

LA PAROI

 

 

par Pierre Moustiers.

Gallimard, Paris.

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 75, Décembre 1969)

Anthime et Philippe sont des êtres hors de l'ordinaire. Ils sont donc alpinistes. Ou peut-être faudrait-il dire parce qu'ils sont alpinistes. Mais Pierre Moustiers ne nous permet pas d'en décider. Puisqu'il s'agit d'un roman, Anthime et Philippe vont devoir s'opposer. C'est un procédé courant de connaissance des héros. En bas, dans la plaine, il y a en général un homme et une femme. Au dessus de 4 000, la littérature alpine prouve que le couple classique tombe dans la pire des mièvreries. Il vaut mieux laisser la place à deux caractères bien trempés. Pierre Moustiers a dû faire de la montagne, il sait de quoi il parle.

A personnages exceptionnels, circonstances exceptionnelles. La Paroi (avec un grand P), pour peu qu'elle soit une horrible succession de passages verglacés et sans soleil, va être le catalyseur idéal. Et puis bien sûr, il y aura de l'amitié (au dessus de 4 000 mètres...) et tout au bout, la mort (au dessus de 4 000, c'est fréquent).

Tout serait parfait, si certains détails ne sonnaient pas un peu faux. Par exemple, si Philippe et Anthime sont de bons alpinistes, la manière dont ils abordent cette paroi laisse à penser qu'il s'agit là d'une escalade de petite envergure. Mais au fil des chapitres, elle se hausse au dessus de 4000 m et se verglace en proportion. Philippe et Anthime ne seraient donc pas... Tout le monde ne peut pas s'appeler Derungs ou Albrecht et "faire l'Eiger". Rien ne permet de conclure.

A lire La Paroi, on pense à un collage. Et l'art du collage est difficile. Trop de choses sont ici artificielles, et d'abord les deux personnages et leur montagne. Ensuite ces pensées autobiographiques qui reviennent à intervalles réguliers, suffisamment rapprochés pour qu'à la fin on sache tout sur eux ("on pense à tout ça, en escalade ?"). Mais peut-être ne s'agit-il pas d'un roman d'alpinisme et peut être aussi n'ai-je rien compris à la psychologie de Philippe et Anthime. A trop se laisser envoûter par cette paroi...

Luc CENIZE.