CRITIQUES DE LIVRES

LES PRÉALPES DU NORD

par Claude JAGER et Jacques MARTIN

( Ed. Denoël. Col. Les 100 plus belles courses, Paris. 1983)
(Revue " La Montagne et Alpinisme " - No 4, 1983)

Avec la parution des Préalpes du Nord, c'est le dernier maillon manquant de la chaîne des Alpes qui nous est livré. Ainsi, tous les massifs, de la Méditerranée au Léman, sont-ils couverts.

Le premier quart de l'ouvrage est consacré aux itinéraires pédestres, viennent ensuite les voies d'escalade classées par ordre de difficulté, ordre discutable certes, mais discussion bien stérile. On cherchera en vain les voies les plus récentes et donc les plus difficiles, pourtant le VII existe dans le Chablais ! et des voies extrêmes ont été tracées dans les parois déjà bien sillonnées du Bargy ou de Leschaux, pourquoi les passer sous silence ? Pourquoi aussi ne pas dépasser la vieille distinction entre la montagne et l'école et ne pas consacrer quelques chapitres à La Chambotte ou au Salève ? Quelle est la voie la plus engagée "l'Arc en Ciel" au Salêve ou "le Pilier Gris" à Chamechaude ?


Les ouvrages de cette collection (c'est le treizième, la formule est rodée) ont une double ambition : suggérer et renseigner.

Le rôle joué par l'illustration est primordial dans cette fonction évocatrice. Hélas, les photos retenues sont bien inégales, il en est de fort belles et d'autres ne sont qu'ordinaires. Etait-il si difficile de saisir un coucher de soleil sur le pilier de la Croix de Fer, un champ de gentianes dans le désert de Platé ou un automne flamboyant en Chartreuse ? Quant aux photos d'escalade elles semblent souvent bien anciennes : des grimpeurs figés et harnachés comme il y a dix ans. Les parutions récentes nous ont habitués à plus de dynamisme, de fantaisie, de grâce.

La seconde raison d'être de ce genre d'ouvrage est l'utilisation directe que l'on peut en faire, encore que ses douze cents grammes lui interdisent le plus souvent de quitter les rayons de la bibliothèque ou, dans le meilleur des cas, la voiture. Les descriptions d'itinéraires et les croquis sont précis, nous avons affaire à des habitués de ces massifs calcaires, dignes de notre confiance. On pourra toutefois regretter de ne pas trouver quelques données pourtant essentielles :

- les horaires moyens des marches d'approche et des descentes,

- un commentaire sur la fréquentation de la voie. S'agit-il d'une voie classique, équipée ou non ? En fait, ces notions se recoupent et sont déterminantes dans le choix d'un grimpeur. Une voie ne devient pas classique par hasard : un ouvreur investit dans son matériel en le laissant en place, s'il sait, s'il sent, que sa voie en vaut la peine.

Malgré un manque de modernisme évident, ce livre fera découvrir de nouveaux sites, des projets seront élaborés, certains se lanceront dans de grandes entreprises. Est-ce pure coïncidence si la centième course, la face nord du Granier, a vu sa première répétition (seize ans après !) quelques semaines après la sortie de ce livre ? Puisse le lecteur comprendre que le tour du Mont Blanc n'est pas le seul itinéraire digne d'intérêt entre Nice et Genève et que l'escalade est possible ailleurs qu'à Prestes ou au Verdon.


Monique REBIFFE.

Retour à la Page "Critiques"