CRITIQUES DE LIVRES

PREMIER DE CORDEE
 

 

 

par Roger FRISON ROCHE.

B. Arthaud, éditeur, Grenoble.

(Revue " Alpinisme" - Décembre 1941)

Ce livre est d'abord une apologie de la profession de guide, c'est ensuite le tableau précis de la vie dans la vallée de Chamonix lorsque les touristes l'ont quittée, c'est surtout le meilleur roman de haute montagne que nous ayons lu.

On savait que Frison Roche ne manquait pas d'information : guide lui même, Chamoniard sans l'être, il est juste assez étranger à ses héros pour avoir le recul nécessaire à la description. On connaissait également sa jeunesse et son enthousiasme ; ce que cet ouvrage nous a révélé, c'est une inspiration puissante, un souffle qui force, le livre entamé, à le dévorer d'un trait. Des scènes comme la descente du Dru dans la tourmente et la caravane de secours sur la montagne verglacée, le combat des vaches à l'Alpe de Charamillon, l'escalade de la Petite Aiguillette, tiennent le lecteur haletant jusqu'à leur conclusion.

Ajoutez à cela la finesse et l'exactitude des détails, un style alerte saupoudré, sans excès, d'expressions du cru, et vous aurez un avant goût de l'agrément que vous réserve la lecture de Premier de Cordée.

D'un point de vue plus élevé, un tel livre est réconfortant : il est rare de rencontrer un héros équilibré, robuste, ayant du coeur au ventre, parmi les théories de petits crevés dont le roman contemporain nous a inondés ! Certes c'est une oeuvre à faire lire aux jeunes pour leur apprendre ce que c'est que d'être un homme.

Après tant d'éloges, oserons-nous faire remarquer à Frison Roche que ces guides de Chamonix, ces braves, il les a tout de même un peu flattés ? Ce ne sont que grands et petits saints ! En toute sincérité peut-être faudrait il légèrement en rabattre…

Cela dit, souhaitons que Frison qui vient pour la première fois de s'attaquer au genre périlleux du roman, ne s'arrête pas en si bon chemin et donne bientôt une réplique à Premier de Cordée.

Ce livre est illustré de photos magnifiques tirées de la collection de Georges Tairraz. Bien que certaines n'aient aucun rapport avec le texte, elles renforcent heureusement l'ambiance très haute montagne et quasi héroïque de l'ouvrage.

Gérard BLACHÈRE