CRITIQUES DE LIVRES

LE SECRET DES SOURCES

 

 

par Georges SONNIER.

Ed. Lanore, Paris.

(Revue " La Montagne" - No 2, 1977)

La lecture du Secret des Sources fait penser au titre du dernier ouvrage de R. Barthes : Fragments d'un discours amoureux. Georges Sonnier a dû longtemps garder ces fragments d'écriture qu'a suscités en lui son amour pour les sommets et dont il savait en les écrivant, à la fois qu'ils ne s'intégreraient à aucun roman, à aucune étude, et qu'il ne pouvait pas ne pas les écrire. Après bien des années de son métier d'écrivain, il les reprend, les contemple, y retrouve tout le chemin de sa vie d'alpiniste, et leur découvre une évidente unité : celle très simple de sa passion pour la montagne, pour toute la montagne.

D'où ce livre, plus de réflexions que de descriptions, et que l'auteur présente ainsi : "Celui qui s'attendrait à trouver ici un "livre de montagne" au sens traditionnel du terme, c'est à dire une suite de récits d'ascensions ou d'aventures alpines, risquerait fort d'être déçu. Tout au plus peut-on voir dans ces pages le témoignage d'une vie dédiée à la montagne et éclairée par elle. Mais bien plutôt, à travers l'expérience de la montagne et sa leçon, il s'agit d'une certaine vision du monde, d'une certaine conception de l'homme et de ses éternels grands problèmes."

Ce livre intéressera bien sûr les alpinistes de la génération de Georges Sonnier qui y retrouveront ce que fut pour eux la montagne des premières découvertes. Mais on peut souhaiter surtout qu'il soit lu et relu par les nombreux jeunes alpinistes qui aujourd'hui passent sans trop de transition des écoles d'escalade à la haute montagne, y apportant une gymnastique, certes immensément belle, mais trop souvent désincarnée. A travers des récits personnels, des pages de méditation, des citations d'une grande richesse, le lecteur découvrira un bel humanisme un mot d'aujourd'hui un peu fané, mais qui reprend ici tout son sens celui, clair et serein, formé par une existence tout entière consacrée aux hauts pays. "Quelques saisons durant, écrit Georges Sonnier, il me fut donné de vivre de la vie même de la montagne, dans son intimité constante. C'est une expérience dont celle de l'alpiniste elle même, intense, mais brève et fatalement fragmentaire, n'approche pas : elle ne devrait en être que le couronnement, au terme d'une initiation complète respectant toutes les étapes de la connaissance... Je garde de mon temps de retraite un souvenir ébloui."

Claude THEILLAY.