CRITIQUES DE LIVRES

TRILOGIE DES CIMES
Histoires de larrons perchés

Par Olivier SALON

( Transboréal 2014 )

Comme le titre le laisse deviner, ce livre est constitué de trois histoires absolument indépendantes, vraies toutes les trois.

La première, "Huascaran", se déroule au Pérou, dans la Cordillière Blanche, dont le Huascaran est le sommet le plus élevé. C'est donc une montagne relativement fréquentée, mais tout de même très sérieuse.
L'auteur a gardé de cette aventure un profond sentiment de gêne et de culpabilité : la raconter est pour lui le moyen d'essayer de s'en libérer. Et je le comprend : ce récit m'a hanté pendant des jours... Qu'aurais-je fait à sa place ?
L'histoire : à proximité de leur campement à 6010 mètres, une petite tente dont les occupants ne se manifestent pas. Lors de l'ascension de la raide pente de neige glacée suivant la Garganta, il voit successivement un sac à dos, en contrebas, puis un crampon, abandonné au bord des traces, et enfin un bâton de ski, plus bas. Signes manifestes d'un incident, sans doute d'une chute... Les alpinistes atteignent le sommet, à 6768 mètres : l'air devient rare, le souffle court.


Au début de l'histoire, on se demande d'abord
pourquoi l'auteur fait de ses compagnons de cordée - en particulier du chef d'expédition - des portraits assez peu flatteurs. Il s'est intégré à une équipe déjà formée, à laquelle il reste un peu extérieur : c'est une explication. Mais on comprend peu à peu la raison de ses réactions. Il finit d'ailleurs par quitter l'expédition, sans aller avec eux à l'Alpamayo, "la plus belle montagne du monde"...

Le style est émaillé de jeux de mots (..."dès que le minet montre son potron"... (p. 36) - ..."Dokenkok dit que c'est de la bile, et qu'elle provoque des effets bilieux, biliaires et belliqueux"... (p. 39) - ..."il reste dans l'attente et la tente, dont il ne sort que par nécessité"... (p. 41) ), mais ce style sert surtout à cacher la gêne - non : le dégout - que ressent l'auteur. Un souvenir bien difficile à porter...

Le second récit est bien différent - et fort original : c'est le récit - en vers (ou presque) ! - de l'ascension de l'une des voies du célèbre El Capitan, au Yosemite. C'est une suite de textes courts, parmi lesquels on trouve la liste de matériel, les touristes au pied de la voie, le granit, le relais, le vide, le crochet à goutte d'eau, et bien d'autres encore... Le style en est un peu différent, mais toujours agrémenté de jeux de mots plaisants...

Le troisième récit est encore autre : sa fille ayant exprimé le désir de marcher sur la Mer de Glace, il ne trouve rien de mieux, pour l'emmener, que de passer par l'arête Midi-Plan... Il y a pourtant de plus rapides moyens d'accès... Et, bien entendu, c'est une vraie galère... Tout alpiniste a connu un jour ou l'autre cette suite infernale, quand on part trop tard, qu'on perd la route, qu'on dévisse dans la pente, qu'on se retrouve devant un labyrinthe de crevasses, pour finalement courir pour essayer d'attraper le dernier train du Montenvers...

Le récit est entrecoupé d'autres récits, d'autres galères, comme tout alpiniste en a connues. A se demander pourquoi certains continuent à aller en montagne !

Un excellent bouquin, qui a d'ailleurs été récompensé lors du Salon du Livre de Passy, en Août 2014 : une Mention Spéciale bien méritée !


Daniel MASSE .

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